Transparence

Public ou privé ?

Épisode 1

J’assistais mercredi 9/02 dernier à une conférence qui avait pour thème « Hôpitaux publics, hôpitaux privés, des distorsions de concurrence ? », une conférence dans le cadre du MMIS de la Solvay Business School, de la faculté de Médecine et de l’école de Santé Publique de l’ULB .

http://www.ulb.ac.be/soco/solvay/mmiss/seminaires.htm

La thématique rassemblait autour de la table des interlocuteurs bien connus appartenant à ce que le secteur de l’hôpital et de la santé compte de plus éminent… dans tous les « camps — d’autres diraient “piliers” — du secteur de la santé en Belgique.

L’affiche ne fut pas décevante : chacun, selon sa sensibilité professionnelle, y est allé de son couplet interprétatif de ce qui caractérise l’hôpital public ou l’hôpital privé, des missions que l’un assurerait et l’autre pas, des anecdotes sur l’autonomie et des différences de management dans l’un ou l’autre modèle.

On est au moins “assuré” : même dans ce débat qui fut politiquement correct, on a senti que tous les vieux clivages propres à notre pays ne sont pas encore tous enterrés.

On ne peut que souligner au passage, l’intervention courageuse de Jean Hermesse, secrétaire général des Mutualités Chrétiennes. Ce dernier osa, lorsque vint son tour, énoncer que “le débat était ailleurs” et qu’au-delà d’une supposée concurrence entre hôpitaux, c’est surtout l’accessibilité et la qualité des soins qui restaient pour l’avenir le plus gros enjeu à défendre dans notre système de soins de santé.

À l’appui de chiffres inquiétants, Jean Hermesse démontre en effet des inégalités de plus en plus flagrantes notamment à l’égard des honoraires et des tarifs appliqués par certains hôpitaux.
Rien qu’à Bruxelles, c’est jusqu’à 300 % de suppléments qui sont facturés aux patients par certaines institutions hospitalières privées.

Est-il en revanche certain que l’inflation des honoraires médicaux garantit la qualité des soins ?
Est-il du reste raisonnable que les assurances “hospitalisation” privées alignent leur tarif en fonction de cette inflation d’honoraires, à moins qu’elles ne renforcent cette inflation ?
Quelle est la garantie pour un patient d’obtenir des soins performants… si son portefeuille ne suffit pas à alimenter les appétits financiers d’institutions hospitalières trop gourmandes?

Rappelons en effet que dans le système de financement des hôpitaux belges, hôpitaux privés et publics sont sur le même pied. Seules quelques missions incombent obligatoirement aux Hôpitaux publics.

S’ il y a concurrence, ce serait davantage dans… la segmentation des patients qu’une partie du secteur privé pratique, semble-t-il sans vergogne, à travers une politique d’honoraires et de suppléments inadmissibles qui génère l’exclusion sociale et l’inégalité d’accès aux soins de santé.

Épisode 2:… dans les maisons de repos aussi !

Orpea, Medibelge, Senior Living Group, Armonea, Waterland Private Equity Management, Aedifica…

Tout cela ne vous dit rien ?

À tort ! Car vous pourriez un jour vous retrouver client d’un de ces groupes commerciaux, immobiliers ou financiers sans trop vous en apercevoir.
Et si ce n’est pas encore vous, c’est peut-être déjà l’un de vos vieux parents ou de vos arrières oncles et tantes.

En effet, derrière ces appellations à consonances marketing “hautement ajoutées” se retrouvent… des Maisons de Repos et, ou Résidences pour Seniors : celles dans lesquelles beaucoup d’entre nous risquent de devoir terminer leurs jours quand le grand âge, la dépendance ou la pression de l’entourage auront irrémédiablement compromis notre capacité à vieillir seul au sein d’une famille éclatée.

Pas gratuitement bien sûr ! Parce que vivre sa vieillesse, absente de tout souci, cela a aussi un coût, qui varie selon le type de soins, de conforts, d’environnement et les soins proposés.

Dans une démographie vieillissante comme celle que vit la Belgique, certains ont forcément vite compris que le marché du “Senior” regorgeait d’avenir !

Les besoins sociaux réels et connus en matière d’hébergement des personnes âgées méritent d’énormes investissements financiers que le secteur public et les pouvoirs locaux n’ont pas vraiment anticipés au cours des dernières années.

C’est sans doute aussi une raison pour laquelle le secteur privé s’empare aujourd’hui de ce qu’il faut bien appeler “un marché”, qu’il est en train d’organiser à travers des fusions de Maisons, des déplacements immobiliers dans des Sicafi et l’allocation de certaines activités d’hébergement dans des holdings à vocation financière en Belgique… et à l’étranger.

Il n’y a en soi rien à reprocher, sinon qu’à prévenir que la logique consistant à organiser l’accueil et les soins pour les personnes âgées à travers de telles structures ne garantit pas une égalité d’accès pour tous et de la même façon.

On sait déjà, à voir les différents niveaux de prix et de conforts offerts par certaines infrastructures privées à Bruxelles, que tout le monde n’aura pas accès à la même auberge, aux mêmes services et au même prix.
L’INAMI se devrait d’y rester attentif puisqu’il assure une partie de la couverture d’hébergement des personnes âgées avec l’argent de la collectivité et des cotisations sociales.

Analogiquement à la politique de grands groupes hôteliers, les Maisons de Repos se verront probablement répertoriées à une ou plusieurs étoiles… Les prix des options seront à l’avenant. Le “All Include” ne comprendra pas la même chose partout !

Ici encore, pas de quoi s’alerter pour ceux que la vie a nantis ou nantira de revenus en suffisance. Les “vieux” adeptes des vacances “Fast Food” et “all Inclusive” devront bien se tenir, et feuilleter les catalogues avant d’entrer en Résidence.

Pour beaucoup d’autres, ce sera probablement plus compliqué ! La fin de vie risque de se dérouler sans autre horizon que celui d’avoir un gîte et un couvert au sein d’infrastructure plus sommaire.

Jusqu’à présent, les maisons de repos du secteur public et des CPAS remplissaient cette fonction alternative, notamment, mais pas exclusivement, d’accueillir les moins nantis en leur garantissant par la solidarité publique les avantages liés au respect de la dignité humaine.

La logique financière qui s’empare aujourd’hui du secteur des maisons de repos semble ne plus l’autoriser à assurer (assumer) cette fonction…Sans doute une nouvelle manifestation de la loi d’airain appliquée au secteur des personnes âgées !

On peut d’ores et déjà s’interroger sur la capacité et la volonté d’actionnaires privés à lisser leurs impératifs de profit ou de “return on investment” pour accorder l’accès de leurs maisons de repos 5 étoiles à des personnes bénéficiant d’une GRAPA (Garantie de revenus aux personnes âgées, équivalent au revenu minimum garanti) ou à ceux dont la pension légale atteint à peine la moyenne des pensions en Belgique (1155 € en 2008 ).

Moi, j’ai furieusement des doutes!

Je plaide en tout cas pour la défense d’un secteur public fort.
Certes, le véritable challenge du secteur public sera de prouver que les moyens dont il dispose seront affectés, au service de la qualité et d’une garantie d’égalité d’accès à tous les publics.

Lui en laissera-t-on le temps ?
Lui en accordera-t-on les moyens ?

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